La France forte ! de Nicolas Sarkozy : désir ou regret ?

Le point de vue de Pierre-Louis Desprez

Sauf surprise le slogan du candidat Sarkozy sera donc “La France forte !”. Tentons une lecture sémiotique. Un slogan reflète toujours en partie la personnalité de son porte-parole. Ainsi, pour que le slogan “la France forte!” soit congruent, c’est-à-dire qu’il y ait cohérence entre le slogan et celui qui le profère, il faut que le porte-parole soit reconnu comme… fort. Sinon, les mots ne portent pas. Seul un homme fort peut donc promettre, de façon crédible, une France forte. C’est le contexte qui va permettre aux Français et aux électeurs de juger si le slogan sonne juste ou faux et si son porte-parole est digne de crédibilité ou non. Dans un contexte où la France a vu sa note dégradée (la perte du fameux A), son taux de chômage augmenter régulièrement et sa croissance baisser au même rythme, le fait est que la “France forte” ressemble plus à un désir et à un voeu qu’à une réalité partagée. A moins qu’il ne s’agisse d’un regret : à quand le retour de la France forte?

Le thème de la force est ambivalent : s’agit-il de la contrainte (comme dans l’expression de gré ou de force), de l’énergie (la force musculaire), du courage (la force dans l’adversité)? Et si la force s’adresse implicitement aux gens forts (il faudra des gens forts pour construire une France forte), qu’en est-il des faibles : ces derniers font-ils partie de la France forte?

Dans tous les cas, le champ sémantique de la force ravive le grand reproche fait au Président Sarkozy : avoir voulu faire des passages en force, avoir proféré des paroles violentes dans des circonstances inappropriées, avoir instauré des rapports de force dans les négociations. Et, in fine, avoir fait machine arrière… par manque de force, en définitive. La force est toujours suspectée de porter en elle son contraire : la faiblesse.

Le risque de ce slogan, c’est donc l’aveu d’une faiblesse qui n’arrive pas à se cacher : les forts, les “vrais”, se contentent d’afficher leur sérénité, leur confiance, c’est-à-dire le bénéfice de la force qu’ils portent en eux. D’ailleurs, un fort, un vrai, ne parle pas par injonction (usage du point d’exclamation dans le slogan). Le détournement par les candidats concurrents sera facile : Monsieur Sarkozy, vous nous promettez une France forte après avoir affaibli le pays ! Vous vous adressez à la France des forts… mais quand vous adresserez-vous à la France des faibles et des affaiblis?

En choisissant le thème clivant de la force, le candidat Sarkozy a choisi une nouvelle fois de marcher sur une ligne de crête, comme s’il avait besoin de mobiliser, pour faire campagne, toutes ses… forces.