Mais pourquoi TOUS les enfants se déplacent-ils sur une trottinette Globber ?
1 trottinette sur 3 roues règne sur le monde des tout-petits en manque de vitesse, la Globber Go Up. Pourquoi ce modèle a-t-il envahi les trottoirs et à peu près tous les espaces avec des enfants?
L’enfance et ses débats éternels. Nintendo ou Sega ? Salamèche ou Carapuce ? Batman ou Superman ? Loin de ces dilemmes qui ont transformé tant de cours de récrés en guerre civile, une question est tranchée depuis longtemps : pour ce qui est de la trottinette, ce sera une Globber. Rien d’autre. En 2014, année de son lancement, la marque vendait 20.000 modèles. Puis 120.000 en 2018. Et 200.000 trots en 2024, avec une croissance encore de 10 % par rapport à 2023. Une bonne centaine de milliers viennent du modèle phare, la Go Up. En onze ans d’existence, plus d’1,2 million des trois-roues de la marque se sont écoulées.
« Avant, la plupart des trottinettes pour très jeunes enfants étaient à l’effigie d’une licence, suivant les modes. Hello kitty, SpiderMan… Mais ces produits, en dehors de mettre en avant un héros, étaient assez décevants en qualité intrinsèque, retrace Pascal Chaillou, directeur commercial et marketing de Globber. Notre idée a été de fournir une trottinette beaucoup plus qualitative en matière de roues, de mobilité, de matériel… Un vrai produit, pas juste une porte effigie ».
Selon Pierre-Louis Desprez, expert en imaginaire de marque au cabinet Kaos, l’objet suit la règle magique des trois R : Recycler, Réutiliser, Réduire. Recycler, comme 60 à 100 % des matériaux qui composent la Go Up. Notamment le plastique, une matière « légère, très créative, et associée à l’enfant. Cela rend l’objet plus maniable et beaucoup moins dangereux en cas de chute ».
Réutiliser, ensuite. « Il est très facile de changer une pièce d’une trottinette Globber, ce qui est toujours pratique chez les objets pour enfants, pas vraiment le public le plus soigneux », poursuit Johanna Volpert, professeure associée en marketing à la Kedge Business School Bordeaux. La marque met à disposition 500 pièces détachées et vend 10.000 pièces par an, appuie Pascal Chaillou. Principalement des roues.
Il faut bien que jeunesse se roule
La réutilisation va aussi avec son côté évolutif. La Go Up permet trois modes : une fonction à pousser où l’enfant va pouvoir s’installer à partir de 15 mois ; une fonction siège à roulettes à partir de 2 ans, et le modèle debout, de 3 à 7 ans (voire plus étant conçu pour supporter 50 kg). « Soit plutôt un enfant de 13-14 ans, mais ce dernier risque de vouloir une trottinette de ”grand” à seulement deux roues, poursuit Pascal Chaillou. L’idée, c’était d’en finir avec les trottinettes trop facilement jetables. »
L’aspect montable-démontable « à la Ikea », pour reprendre une autre filiation de Pierre-Louis Desprez, permet aux parents « d’explorer petit à petit la motricité de l’enfant », explique Johanna Volpert. Et réutilisation toujours, l’aîné peut la transmettre au second grâce à un autre avantage de la Globber : elle est unisexe. Une rareté au rayon jouets, amenée à se développer. « Déjà, cela rend la durée de vie des objets beaucoup plus longue. Cela permet aussi d’éviter certaines réprimandes. Les objets genrés sont souvent épinglés, par des comptes comme Pépite Sexiste par exemple, ce qui n’est jamais une très bonne publicité », euphémise l’experte marketing.
Les limites d’un monopole
Recycler, donc. Réutiliser. Et enfin réduire. Ça, c’est pour son aspect pliable, qui rappelle un autre grand succès des familles, la poussette YoYo. 81 % des Français vivent désormais en ville, dans des espaces de plus en plus réduits, et les placards sont vite limités… tout comme la taille des trottoirs ou des ascenseurs. C’est alors un gain de place pour tous les objets qu’elle remplace. « Au lieu d’un tricycle, d’un vélo pour enfant et d’une trottinette, vous avez une Globber », analyse Pierre-Louis Desprez. Une mode bien ancrée en France : « Aujourd’hui, on veut des objets multifonctions, des couteaux suisses partout, créatif dans leur usage et ”intelligent” dans leur concept comme nos smartphones. C’est également un signe social : avoir des objets malins flatte par extension l’intelligence du consommateur. »
En France, 9 trottinettes évolutives sur 10 sont aujourd’hui des Globber. Mais aucun monopole n’est appelé à durer. Johanna Volpert sonne déjà la fin : « C’est toujours transitoire, le temps que les autres marques rattrapent le retard de R & D et atteignent le même niveau d’expertise ». Pour reprendre le parallèle avec la YoYo, « cette dernière n’est plus aussi incontournable qu’il y a deux trois ans, et on voit de plus en plus de poussettes Looping par exemple. Il en sera de même avec la Go Up », prophétise-t-elle. De quoi remettre un peu de débats dans les cours d’école.
Article publié par Jean-Loups Dumas dans 20 MINUTES, https://www.20minutes.fr/economie/4171006-20250919-pourquoi-tous-enfants-deplacent-trottinette-globber