Objets innommables
Les objets précèdent l’usage et le langage. Il est nécessaire qu’un geste, une parole, un événement, une référence puisée dans une culture commune nomment l’objet: ce jour-là est le jour de sa véritable naissance, sa carrière peut commencer. Tant que cet acte n’a pas eu lieu, l’objet reste non appropriable par le public.
Le mot VTT a permis à la bicyclette de renaître et a relancé un marché en panne.
SMS, short message system, a permis de désigner un nouveau mode de communication.
Les puces évoquent une intelligence miniature.
Blue tooth fait référence à une légende scandinave, celle d’un chef viking qui aimait manger des mûres, inconnue de la quasi-totalité des utilisateurs de ce système de transmission par ondes.
Arrêtons-nous sur le mot automobile, véritable prise de pouvoir linguistique: ce moyen de locomotion s’est en effet approprié à lui seul le symbole de l’auto-nomie et de la mobi-lité, alors que la locomotive, l’avion, la moto ne sont pas moins automobiles que la voiture!
Le premier qui le dit marque son territoire.
Regardons le cas de l’ordinateur. Il a d’abord été computer, puis ordinateur grâce à un professeur de lettres de la Sorbonne: époque bénie où l’on pouvait franciser un mot anglais! Puis PC, bécane, portable, mac… Ce foisonnement linguistique est signe que le public s’est approprié l’objet et l’a inséré dans son quotidien.
« Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant. » Victor Hugo
extrait du « traité de tous les noms » Pierre-Louis Desprez & Ivan Gavriloff (Descartes & Cie, 2007)