Pourquoi Amazon est-il si critiqué en France et si… plébiscité par les Français?
Une marque peut se passer d’être aimée et être élue numéro 1 des marques préférées, n’en déplaisent à ceux qui tartinent de l’émotionnel partout pour soi-disant satisfaire les clients.
“Au rang des amours torturés, la relation qu’entretiennent les Français avec Amazon se placerait en bonne position, quelque part entre Roméo & Juliette, Helga Pataki & Arnold et Ross & Rachel. C’est peu dire que le géant de l’e-commerce se fait sévèrement critiquer dans le pays. En 2020, Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique à l’époque, évoquait même à l’Assemblée nationale « une psychose française sur Amazon qui n’a pas beaucoup de sens », à la suite d’un appel au boycott contre le site dans le cadre des achats de Noël. Régulièrement, le géant de la vente se fait torpiller de critiques, que ce soit pour son coût environnemental, les conditions de travail de ses employés ou sa stratégie fiscale.
Mais si le citoyen français peut se plaire à critiquer Amazon, le consommateur lui raffole du site. Pesant 20 % de l’e-commerce français – certes un score plus faible que dans de nombreux pays –, Amazon se retrouve en bonne position dans le classement annuel de la Marque préférée des Français*. Elle se trouve en deuxième position de la catégorie Distribution, et conclut le podium de trois autres items : Utilité, Proximité et Innovation.
Des résultats qui ravissent Amazon. « Depuis plus de deux décennies, nous avons noué une relation forte avec des dizaines de millions de consommateurs en France, qui nous font confiance et apprécient l’apport d’Amazon à leur vie quotidienne. Nous faisons le maximum au quotidien pour gagner et conserver la confiance de nos clients, tout en contribuant à la société française, estime un des porte-parole de la marque. Il n’y a pas de plus grande récompense que de voir nos clients satisfaits et reconnaître le travail accompli au quotidien par nos équipes à leur service. »
La globalisation mais pas la mondialisation
Cette dichotomie entre critiques acerbes et appréciation sincère se résume en un paradoxe bien français, pour Pierre-Louis Desprez, directeur général de Kaos, cabinet spécialisé en innovation et en marques : « On ne veut pas de la globalisation mais on n’est pas contre la mondialisation. » La différence est subtile mais de taille : la mondialisation, c’est avoir le reste du monde à portée de main, soit peu ou prou la promesse d’Amazon, permettant de livrer rapidement n’importe quoi de l’autre bout de la planète. La globalisation, c’est un monde uniforme, avec les mêmes « monstres identiques partout : McDonald’s, Coca-Cola, etc. », développe l’expert. En gros, on ne veut pas manger le même hamburger que 7 milliards d’autres humains, par contre, on est carrément partant pour pouvoir déguster des sushis même à Perpignan.
Vous l’aurez compris, Amazon représente un peu les deux, d’où cette relation d’amour-rejet. Et pour comprendre ce qui fait pencher la marque du bon côté, il faut revenir au XVIIIe siècle et à ce bon vieil Adam Smith, économiste star de son temps. « Pour lui, ce qui fait marcher l’économie, c’est la loi des intérêts », rappelle Pierre-Louis Desprez en dépoussiérant nos anciens cours de macro-économie. Pas de sentiments, juste des bénéfices.
De l’intérêt et de l’utilité
Et le bénéfice – ou l’intérêt, pour reprendre l’idée d’Adam Smith – d’Amazon pour le consommateur est simple : « C’est ultra-efficace », plaide Pierre-Louis Desprez. « Le livreur Amazon livre et livre bien, et on a tous connu les dysfonctionnements et les galères des livraisons à la française pour apprécier l’efficacité d’Amazon. On peut ne pas les aimer, mais on ne peut pas dire qu’ils ne sont pas efficaces. » C’est la leçon de Smith : l’utile n’a pas besoin d’être sympathique s’il est efficace. Un peu comme le supporteur marseillais qui finit par apprécier Kylian Mbappé en équipe de France à force de le voir planter but sur but pour la patrie.
« C’est la troisième marque jugée la plus utile par les Français, abonde un représentant de la Marque préférée des Français. Ainsi que la troisième marque dont les Français se sentent le plus proche, entouré de quatre mastodontes patrimoniaux. » Comptez Decathlon et Leclerc devant, et Bonne Maman et Lu derrière. « Avoir su se placer dans ce top 5, et être la seule marque internationale, c’est un exploit ! »
Le confinement, booster de l’image d’Amazon
Un exploit rendu possible par deux évènements. Tout d’abord, la crise sanitaire. Confinements, commerces fermés, peur de l’extérieur ont fait bondir le commerce en ligne et son importance. « Il y a une nette tendance à partir de 2020 et du début du coronavirus. Depuis, Amazon ne cesse de progresser dans le cœur des Français, sur tous les items existants. Même en empathie, ils ont gagné deux points de plus en 2023 par rapport à 2022 », explique la Marque préférée des Français.
Deuxième évènement majeur, l’inflation historique depuis 2022. La crise du pouvoir d’achat a amené le consommateur à une seule obsession, le prix. « En 2023, pour la première fois, Amazon a intégré le top 20 des marques jugées les plus accessibles par les Français », précise la Marque préférée des Français. Même analyse du côté de Pierre-Louis Desprez : « Avec l’inflation, les valeurs passent au second plan face au pragmatisme du porte-monnaie. »
Le porte-monnaie et le cœur
Une autre étude OpinionWay** en septembre 2022 avait déjà désigné Amazon comme enseigne non alimentaire la plus à même de préserver leur pouvoir d’achat. L’enseigne rappelle qu’elle continue à proposer des évènements sur cette thématique, comme les Ventes Flash Printemps entre le 27 et le 29 mars. « Notre ambition n’a pas changé depuis le premier jour : offrir des prix bas, un large choix de produits, et une excellente expérience d’achat », poursuit le porte-parole de l’enseigne américaine.
Et pour ce qui est du cœur, Amazon arrive à feinter, illustre notre pro du marketing : « Ce qu’une part des Français déteste, c’est l’entreprise géante et Jeff Bezos, très clivant. Mais ce qu’ils voient au moment de recevoir un colis, c’est un livreur ou une livreuse pour qui ils ont de l’empathie, et l’objet qu’il avait demandé. » Certes, Amazon est suffisamment efficace pour ne pas avoir besoin de toucher les cœurs. Mais, faire vibrer l’empathie du consommateur qui ouvre la porte, ça ne fait jamais de mal.”
Article publié par Jean-Loup Delmas, 20 Minutes, 27/03/2023, https://www.20minutes.fr/economie/4028990-20230327-conso-paradoxe-amazon-critique-france-plebiscite-francais