Comment Findus tente de se dépêtrer de “l’affaire” en soignant sa réputation sur le web

Article paru sur latribune.fr le 18/02/2013 – (pour lire l’article sur latribuner.fr c’est ici)

Par Marina Torre

Le géant suédois du surgelé ne veut plus entendre parler “d’affaire Findus”. En France, il a confié à une agence de “e-réputation” le soin de “nettoyer” la toile des mentions gênantes. Une pratique efficace? Deux professionnels de la communication de crise décryptent la situation et donnent leurs clés pour les marques qui, éclaboussées par des scandales, souhaitent se tirer d’affaires.

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Findus veut nettoyer le web. Las de l’association entre des termes qu’il juge péjoratif et le nom de la marque, le groupe d’origine suédoise a mandaté une agence de “e-reputation” en France. “Nous, on se projette dans un ou deux ans, quand pour une requête sur la marque, le web sera encore tapissé d’affaires Findus”, explique Fabrice Ivara directeur associé de l’agence ReputationSquad, mandatée par Findus. Dans sa ligne de mire? Les titres accolant “affaire” et “Findus”, et l’association avec des termes tels que “tromperie” ou “escroquerie”.

Très remonté, Findus vise aussi certaines infographies représentant un “système” avec les différents intermédiaires intervenus dans le circuit de la viande. Car dans cette histoire, le groupe de distribution se pose en victime et rappelle que c’est lui qui a alerté les autorités sanitaires en Grande-Bretagne de la présence de viande de cheval dans certains de ses plats. Aussi sa société a-t-elle entrepris de faire le tour des rédactions web pour leur demander de modifier des titres! Certaines d’entre elles auraient même répondu positivement.* En revanche, contre les détournements de visuels qui pullulent sur la toile, là, Fabrice Ivara ne fera rien. “Nous ne voulons pas jouer le rôle de censeurs sur les blagues”, se défend le communicant. Pas d’action prévue non plus contre les journaux papiers ou les télévisions, car, à ses yeux, leur effet serait moins durable.

Le terme “affaire Findus”, un vrai boulet ?

“Ces mots reflètent la façon dont l’opinion publique s’approprie un événement. Pour la marque cela reflète sa notoriété”, juge Pierre-Louis Desprez, directeur général de Kaosconsulting, spécialisé dans la communication de crise. “C’est la preuve de la vitalité de la marque Findus”, pointe-t-il. De fait, en France, le terme consacré quand le scandale de la viande de cheval a éclaté, c’est bien “affaire Findus” et non pas “affaire Pi card” ou “Burger King”. Pourtant, ces autres marques, ont, elles aussi été éclaboussées. Et aujourd’hui, un autre nom de marque est désormais davantage associé au scandale.

“Spanghero chasse Findus”, observe ainsi Rodolphe Bonnasse, directeur général de CA communication, cabinet de conseil qui s’adresse notamment aux distributeurs. Ce dernier “constate d’ailleurs un glissement qui s’est opéré en 15 jours : on voit que la marque Findus – qui était celle de la révélation – a disparu et a été remplacée par la marque Spanghero” désignée comme coupable de “tromperie” par l’un des ministres en charge de ce dossier, Benoît Hamon, chargé de la Consommation.

Et cette association entre un nom de marque et le mot “crise” ou “scandale”, le communicant l’explique par le “besoin de cristalliser un événement sur un nom, de trouver un catalyseur qui permettra de trouver le chemin le plus court entre un sujet et son expression”. C’est ainsi que les noms d’entreprise ou de marque impliqués dans des catastrophes ou des accidents se retrouvent rapidement et plus ou moins durablement liés avec ces même événements : ce fut le cas pour Total avec le naufrage de l’Erika, de BP avec la marée noire dans le golfe du Mexique. Et dans certains cas, la marque parvient plus ou moins bien à se détacher de la fameuse “affaire” car son nom est remplacé par un autre.

Ainsi sur Google par exemple, les requêtes relatives à l’expression “affaire DSK” ont ainsi été bien plus fréquentes que les recherche pour une “affaire Sofitel” De même, la référence à “l’affaire Kerviel” apparaît plus éloquente aujourd’hui que celle “d’affaire Société Générale”. Signe de cette polysémie : l’encyclopédie en ligne Wikipédia ne donne pas la même définition pour chacune de ces expressions. La seconde évoque renvoie à Jérôme Kerviel, l’ancien trader condamné en appel pour avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros à la banque. Alors que la première fait référence à un délit d’initiés pour lequel le milliardaire Georges Soros, notamment, avait été condamné par la justice après un raid boursier raté contre l’établissement bancaire.

“La meilleure réponse, ce sont les actes”

Face à ces associations visiblement pas toujours évidentes à assumer pour les entreprises, à part les tentatives de “nettoyage” du web, l’un des choix possibles pourrait être de changer de nom. Mais, dans un premier temps, face à une crise, d’autres solutions moins coûteuses s’offrent aux marques. Pour Pierre-Louis Desprez, la “meilleure réponse, ce sont les actes”. Il cite à cet égard un cas, d’école : l’affaire qui a éclaboussé Perrier. En 1990, des traces de benzène sont découvertes dans quelques bouteilles par un laboratoire américain. Réponse immédiate : quelque 280 millions de bouteilles sont détruites. Une réponse radicale qui correspond aux yeux du communicant la seule attitude valable : “quand on est face à une crise on est responsable” et on doit le montrer. “Cacher les miettes sous le tapis” serait contre-productif. Parce que l’acte d’achat repose en grande partie sur un ressort émotionnel, l’entreprise “doit rassurer le consommateur”.

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“La marque Findus a l’opportunité de se monter en grande marque”

Comment ? En rappelant ses produits par exemple ou en “prenant des décisions opérationnelles” de nature à éviter à l’avenir le types de problèmes rencontrés. Aussi, pour le naufrage du Costa Concordia, échoué en 2012, plutôt que de changer le nom de la marque comme l’entreprise l’avait envisagé, Pierre-Louis Desprez conseillait de travailler sur la sécurité des croisières “en revoyant le management et en communiquant dessus”. Dans le cas présent, “la marque Findus a l’opportunité de se monter en grande marque”, par exemple en “réunissant ses distributeurs pour décider d’une stratégie et puis agir, et le dire”. En outre, pour appuyer ses propos, Findus peut s’appuyer sur une longue histoire : elle a été lancée en France en 1962. La relation entre les consommateurs et la marque étant ancienne, les consommateurs seraient davantage prêts à lui accorder à nouveau leur crédit. “On ne parle pas de Findus tous les jours, mais on le met dans son caddie”, résume à ce propos le spécialiste de la communication de crise.

Profiter de la mise en lumière

Surtout, c’est peut-être le moment de profiter d’une mise en lumière pour retourner le problème. Car “les marques trouvent là l’opportunité d’une publicité gratuite”. Un principe qui s’applique à toutes les entreprises, grandes ou petites. “Spanghero ne pourra jamais se payer une campagne de publicité” d’une telle ampleur note ainsi Pierre-Louis Desprez. Pour lui, c’est le moment où jamais d’utiliser les micros qui sont tendus.

Utiliser les réseaux sociaux

Rodolphe Bonnasse, de son côté, préconise l’humour. Car, avance ce dernier, “lutter contre les leaders d’opinions aurait un effet contre-productif’ dans le cadre d’une affaire, qui rappelons-le n’a pas eu d’impact sanitaire. Aussi “travailler sur la dérision et chercher à être encore plus drôle” serait bien plus efficace que tout autre tentative de communication plus “sérieuse”. Une stratégie qui pourrait prendre exemple sur la campagne de Microsoft, qui pour répondre aux “geeks” détracteurs d’Internet Explorer diffuse depuis le 29 novembre cette publicité vue plus de 2 millions de fois.

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(*) La Tribune, comme beaucoup d’autres médias numériques, a été sollicitée par l’agence ReputationSquad pour changer trois titres faisant référence à Findus. Elle a décidé de ne pas accéder à cette requête. Comme elle le fait à chaque fois qu’elle reçoit une demande de ce type au prétexte qu’une information qui se présentait sous un certain jour à un moment de l’histoire s’est modifiée au fil des mois ou des années. A la différence de celle des journaux, la mémoire d’Internet et donc celle du site de La Tribune, est facilement et instantanément accessible. L’information vaut autant par ce qu’elle est que par le regard qu’on peut porter sur elle. Un regard qui parfois évolue.

Ce refus ne répond bien évidemment pas une volonté de nuire de notre part, mais simplement à une logique éditoriale. Nous comprenons fort bien les désagréments que peut générer la plasticité de cette information. C’est malheureusement la contrepartie nécessaire à un respect de l’histoire, à un refus de la réécrire. Des valeurs sur lesquelles, nous pensons qu’il peut et doit y avoir unanimité. 

Eric Walther, directeur de la rédaction