La marque, état de l’art 2019

Les marques m’ont toujours intrigué. Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’elles parlent de nous, de nos émotions, de nos paradoxes. Elles génèrent de la sympathie et de l’antipathie, et à ce titre elles nous questionnent.

 

Pourquoi avoir écrit  “La Marque” ?

Qui prétend ne pas être victime des marques de mode, par exemple, est capable de déposer les yeux fermés plusieurs milliers d’euros sur une assurance-vie auprès de LA MONDIALE au nom d’une histoire, d’une réputation et de la confiance ! Il fallait comprendre pourquoi : c’est le sens de ce livre qui en est à sa 4ème édition.

 

– Depuis quelques années, on assiste à un recentrage sur la marque. Comment l’expliquez-vous ?

 

En 2012 FREE a empêché les directions générales et les brand managers d’ORANGE, SFR et BOUYGUES TELECOM de dormir. Cette entreprise n’avait aucune légitimité sur le marché de la téléphonie mobile, mais elle a mis au point une stratégie de bas prix et a utilisé au maximum son image de casseur de monopole pour prendre des parts de marché aux deux leaders. Sans marque forte, l’entrée de l’entreprise sur ce nouveau marché aurait été beaucoup moins attendue et remarquée. Ce phénomène touche également les marchés professionnels, avec les cas d’école que sont devenus SAINT-GOBAIN, VELUX, JCDECAUX, KPMG,  SODEXO….

 

 

– Quels sont les fondamentaux de la gestion de marque ?

 

Un seul ! Il tient en une question : est-ce que votre marque est tournée à 100% vers vos clients ou bien vers l’autosatisfaction ? Inutile de se ruer sur les outils tels que la plateforme de marque, le brand content ou Facebook si, dès la promesse de base, on oublie ceux à qui la marque est destinée : les clients avec leurs demandes, leurs attentes et leurs besoins inexprimés.

 

– Pourquoi certaines marques deviennent-elles mythiques ?

 

D’abord parce qu’elles ont compris que l’humanité entière a besoin de mythes pour mieux vivre sa finitude. COCA-COLA vend du bonheur qui est une quête universelle. Nous savons que ce soda n’est que de l’eau sucrée gazéifiée, mais nous avons besoin de croire à des fantômes qui nous rappellent notre enfance, nos premiers instants heureux, notre premier amour etc.

Ensuite parce que ces marques ont su s’adapter. En 1836, Emile Hermès fabriquait des selles de cheval. Heureusement que l’entreprise a compris et accompagné l’essor des voyages au début du XXème siècle en se diversifiant dans la maroquinerie, la soie, et plus récemment les parfums. Au fil du temps l’entreprise a construit une marque qui s’exprime sur un mode onirique et singulier : une qualité produit irréprochable dans un écrin de rêve.

 

– Comment certaines marques, tombées en désuétude, arrivent-elles à renaitre ?

 

REPETO, WELEDA, MONCLER, mais aussi DIOR, CITROEN, LE BON MARCHE s’étaient endormies. Elles avaient oublié d’innover et de transmettre à leurs clients ce qui fait leur différence et leur spécificité. C’est en repartant de leur acte fondateur qu’elles ont pu rebondir. Ainsi les GALERIES LAFAYETTE, devenues une enseigne un peu poussiéreuse, ont retrouvé depuis quelques années leur réputation d’origine, celle d’un grand magasin où la mode est vivante. Toute marque qui a été forte peut donc renaître, à condition d’exprimer et d’actualiser constamment son âme profonde.

 

 

Pierre-Louis Desprez, Directeur Général de Kaos Consulting.

Co-auteur avec Georges Lewi de La marque, Vuibert, 2013.