Les modèles économiques, nouveau terrain de jeu de l’innovation

Article paru sur Les Echos – Business | Par Pierre-Louis Desprez | 08/10/2013

La chasse aux relais de croissance est ouverte ! Comment faire évoluer l’entreprise et insuffler l’esprit du changement ? Consultant en innovation, Pierre-Louis Desprez présente le livre d’Alexander Osterwalder et Yves Pigneur, “Business Model, Nouvelle Génération”. Une méthode structurée pour passer à l’action.

Après les services, la relation-client et la révolution technologique, la recherche de nouveaux « business models » est le dernier terrain de jeu où l’innovation a élu domicile. Il s’agit même d’une véritable mode qui a saisi les entreprises depuis que les marchés ont perdu leur boussole pour toutes les raisons que l’on sait (internet, digital, BRICS, crises financières, disparité des coûts du travail et des fiscalités…). Aujourd’hui, qui ne propose pas un nouveau modèle de revenus n’est pas dans le coup !

Une démarche pour insuffler l’innovation

Il y a 20 ans on parlait de « disruption », et sur les dix dernières années de « stratégies out of the box ». Il manquait une démarche et une méthode à ces injonctions plus publicitaires ou managériales que stratégiques. De ce point de vue, le livre “Business Model, Nouvelle Génération” d’Alexander Osterwalder et Yves Pigneur (Editions Pearson) comble ce manque. Au premier degré, on peut lire cet ouvrage comme un manuel en 5 grands chapitres pour pondre un modèle économique innovant. De fait, il range dans des cases le processus qui part de zéro et aboutit à une nouvelle entreprise, à une nouvelle manière de générer des recettes, à une gestion du changement pour passer d’une entreprise en perte de vitesse à une entreprise qui repart en conquête.

Comme les auteurs ont compris comment séduire les managers, ils ont produit un livre très graphique, avec beaucoup plus de visuels que de textes, de très nombreux cas et le minimum de définitions théoriques. On peut lire l’ouvrage de la première à la dernière page, ou entrer par le chapitre qu’on veut. Au bout du compte, le puzzle se reforme toujours. C’est l’exact contraire des ouvrages de stratégie écrits dans les années 1980 par des professeurs (Porter, Prahalad, etc.) dont on extrayait quelques grilles après avoir mangé trop de concepts.

Une première lecture à compléter

Certes, le cheminement de « Business model generation » reste superficiel. On reste sur sa faim après avoir lu et travaillé le chapitre « Génération d’idées » (l’idéation). C’est pourtant le cœur du réacteur ! Facile de faire savant en parlant de « business model », plus difficile de trouver l’idée qui va faire mouche ! Les règles du brainstorming sont trop élémentaires, et la technique du post-it n’est rien d’autre qu’un recyclage de Métaplan. Mais n’attendons pas d’un livre qui promet un processus et une mise en ordre d’entrer en profondeur dans la créativité, le haut de bilan et la négociation avec une centrale d’achats. Il faudra le compléter par des lectures d’articles spécifiques ou des vidéos thématiques.

Trouver les relais de croissance de demain

Si on prend un peu de recul, ce livre – surtout dans sa version anglaise, à cause du jargon à la mode qu’il renferme – exprime ce qui agite les décideurs sur la planète entière : comment recréer de la valeur ajoutée sur des marchés où la guerre des prix fait rage et où l’innovation devient de plus en plus coûteuse ? Où trouver les relais de croissance de demain ? Comment les deviner un peu avant les concurrents ?Comment passer de l’idée à l’acte et faire muter l’organisation ? Comment associer distribution physique et e-commerce ? Comment ne pas gaspiller ses ressources et continuer d’innover ? Autant de questions que j’ai l’habitude d’entendre dans les codirs, les conf calls et les Directions Générales desbusiness units. Elles réclament un cheminement simple, efficace et surtout capable d’être partagé par les équipes. C’est le principal mérite de ce livre qui, à défaut de livrer une solution caricaturale en 12 leviers et 24 KPIs, donne envie de passer des questions à la recherche de solutions nouvelles. C’est déjà beaucoup.