Tendance : les ventes de barbecues électriques s’envolent en France.

L’an dernier, 44% des barbecues vendus en France étaient des barbecues électriques, dépassant pour la première fois les modèles à charbon, qui représentent 39% des ventes. Moins d’odeur, moins d’espace occupé, moins de fumée, et la possibilité de l’utiliser dans le salon ou sur le balcon : le marché du barbecue est tiré par la révolution électrique et la conquête des villes.

Une mini-marée humaine s’agglutine devant les saucisses en train de griller. Si l’appartement de Louis était déjà le QG de sa bande d’amis grâce à son balcon – une rareté à Paris, l’endroit est devenu encore plus convoité depuis que le trentenaire a eu la bonne idée de s’acheter un barbecue – électrique, bien sûr. “Vous imaginez faire une cuisson au charbon dans cet appartement ? Déjà qu’il a fallu me battre avec la proprio pour pouvoir y mettre mon chien. L’électrique, c’est la vie, c’est passe-partout”.

Pour la première fois en 2022, les barbecues tournant aux watts ont été plus vendus que ceux au charbon – 44% contre 39% des ventes, selon l’institut GFK, prestataire spécialisé en études de marché. Le bénéfice le plus évident est celui du prix. Un barbecue électrique coûte en moyenne 67 euros, contre 120 euros en moyenne pour l’ensemble de la gamme. Et les avantages ne s’arrêtent pas là : “Il occupe beaucoup moins de place, il est plus polyvalent et dégage moins d’odeur”, liste David Foucher, directeur de la Grill Academy de Weber-Stephen Products Co, entreprise spécialisée dans la fabrication et la vente de barbecue. L’électrique est également beaucoup plus passe-partout. Frédéric Rousseau, chef de produit cuisson chez Fnac Darty vante la polyvalence du produit : “Il n’y a pas de question de stockage, pas de sac de charbon, de bois ou de bouteille de gaz à caser quelque part. Pas non plus de braise volante ou de risque d’incendie, ce qui est rassurant pour le consommateur. Et surtout, le barbecue charbon se fait interdire dans de plus en plus d’endroits, appartement, copropriété, espace communal.”

Faire à manger soi-même, d’accord, mais facilement

Une privation de libertés qui rappelle le confinement, marqué par un retour en force du outdoor selon nos deux experts ventes. “Le moindre espace dehors – ou renvoyant à l’image du dehors – devait être exploité, notamment les balcons ou les fenêtres”, rajoute David Foucher. La crise pandémique a vu apparaître une autre tendance: la préparation de sa propre nourriture. A ce titre, la cuisson au gril possède un sacré avantage : “Elle ne nécessite aucune compétence culinaire. On pose la viande, on la retourne, et voilà”, souligne Pierre-Louis Desprez, directeur général de Kaos, cabinet spécialisé en innovation et en marques. Encore mieux : “Chaque invité est responsable de la cuisson de sa propre nourriture, déresponsabilisant l’hôte”.

Et avec l’électrique, la chose devient encore plus élémentaire; complète Clémentine Hugol-Gential, professeure et spécialiste des enjeux contemporains de l’alimentation à l’université de Bourgogne : “Il n’y a même plus besoin de savoir lancer un feu ou le maîtriser. On branche l’engin et voilà.” Faire à manger soi-même, oui, mais de préférence simplement,

rapidement et sans contrainte. Une tendance que Darty remarque avec d’autres objets proposant pareille simplicité de cuisson et en top des ventes : la friteuse sans huile, le multicuiseur…

Où est le goût des braises ?

Le tout en devenant désormais un vrai bijou de technologie. Il suffit de regarder n’importe quel catalogue pour voir les arguments de puissance déployés et la surenchère de chiffres. 2000, 2200, voire 2500 Watt, des produits qui se vantent de passer de 0 à 350 degrés en moins de 10 minutes comme une Ferrari affirme foncer de 0 à 100 en quelques secondes. Autrement dit, et pour rassurer l’ego de Louis, “il y a moyen d’épater ses potes, même avec de l’électrique”, poursuit David Foucher.

[Même en matière de cuisine, l’électrique étale sa polyvalence. Avec les nouvelles habitudes alimentaires et la hype du “manger sain”, poissons et légumes s’invitent de plus en plus sur les grils. Des aliments assez sensibles aux flammes du charbon ou du gaz. Pourtant, ne nous y trompons pas, “une cuisson électrique n’a pas la même qualité, ni le goût caractéristique, qu’au charbon”, tranche Romain Gibert, plutôt expert en la matière en sa qualité de champion de France du barbecue. Certes, l’électrique affiche désormais des beaux standards de puissance mais “pour les meilleures cuissons, on parle de plusieurs heures sur le gril, ce qui va forcément affecter la viande dans le cas de l’électrique”. Sans compter l’absence de goût braisé. Mais sans rancune néanmoins pour le champion : “Cela reste une très bonne chose de voir le barbecue se développer et s’adapter même aux espaces restreints.”] (Je me dis que cette partie peut être un potentiel encadré)

Dépasser le clivage ville-campagne

Faut-il y voir un barbecue (électrique) des villes et un barbecue des champs ? David Foucher casse le cliché : “La question de la réduction et de la maximisation de l’espace touche tout le monde, même hors des centres urbains”. Chez Weber, on le remarque, l’acheteur d’électrique ne vient pas nécessairement des grandes métropoles. La vraie différence de profils entre acheteurs se fait ailleurs : la taille de l’unité familiale et du porte-monnaie. “Une famille avec un seul enfant en bas âge ou un jeune couple se penchera vers l’électrique”.

Pour Pierre-Louis Desprez, c’est justement la force du barbecue : “Il a su dépasser le clivage ville-campagne, ce que certains iconiques – notamment la voiture – ne parviennent plus à faire.” Comment ? Avec encore un argument de l’époque: la convivialité. Inviter ses amis à manger chez soi, mais de manière plus détonante que l’ennuyeux entrée-plat-dessert où on se regarde dans le blanc des yeux entre les plats, sagement assis à table. “On se rassemble autour d’un même plat ou plutôt d’un même appareil de cuisson, comme la raclette ou la fondue en hiver, ou une crêpe-party. Ce sont des moments appréciés”, souligne Clémentine Hugol-Gential. Et s’il est certes possible d’y griller poissons ou légumes, le plat star – la viande – est lui aussi particulièrement rassembleur, rappelle la professeure : “La consommation de viande se porte plutôt très bien en France. Il n’y a pas de diminution sur les dix dernières années, malgré la montée des discours appelant à en manger moins.”

Car électrique ou non, la France estivale et viandarde raffole toujours autant des barbecues et des cuissons sur le gril. Selon l’institut GFK, près de deux millions d’unités se sont vendues en 2022 dans le pays, pour un marché de 230 millions d’euros. Rien de nouveau sous le soleil : “Dès les beaux jours, les clients affluent”, s’enthousiasme Frédéric Rousseau, qui note une forte affluence d’achats : “La majorité des foyers sont déjà équipés d’un barbecue, c’est principalement un marché du renouvellement et du montée en gamme. Le client veut juste mieux que son barbecue actuel.”

Loin de l’aspect bon marché et premier prix de l’électrique, le secteur connaît aussi une gentrification et une tendance au luxe, annonce Clément Champault, fondateur du salon du Barbecue. Il suffit de se rendre dans son événement annuel pour voir la variété des prix et des modèles, notamment le kamado – ces barbecues en forme d’œuf – entre 1.300 euros pour les modèles les plus modestes et pouvant atteindre trois fois ce prix. Comptez aussi la grande star, le brasero, “à la fois esthétique pour le jardin et objet de cuisson”, entre 1.800 et 3.000 euros, et même des cuisines entières d’extérieur, avec double barbecue intégré pour tout type de cuisson et four à pizza, tant qu’à faire. “On avait plus de 20 modèles de brasero pour près 160 intervenants au total au salon”, note Clément Champault. Encore une autre révolution ? Plutôt l’émulation permanente du monde de la grillade.

Le barbecue, un marché porteur et polyvalent

Sur les près de deux millions de barbecue vendus en France , 44% sont des barbecues électriques, avec un prix moyen de 67 euros, 39% sont des barbecues au charbon, coûtant 100 euros en moyenne, 9% sont des planchas, 226 euros en moyenne et 8% sont des barbecues au gaz, pour un prix moyen de 340 euros. Au total, un barbecue en moyenne va se vendre 120 euros.

Article publié par Guilhem Slainos, dans CAPITAL, le 03/08/2023.  https://www.capital.fr/conso/pourquoi-les-barbecues-electriques-font-des-etincelles-chez-les-francais-1475361