JO Paris 2024 : Pourquoi le succès fou de la Phryge va prendre fin après les Jeux

La production de la Phryge, la célèbre mascotte des Jeux de Paris 2024, va se poursuivre au-delà de la compétition. Mais si le succès a été au rendez-vous durant les compétitions, il a peu de chance de s’éterniser.

ans l’euphorie de ces mois d’été olympiques, on s’est mis à espérer que la Phryge, la star des Jeux de Paris 2024, leur survive. Qu’emportée par la foule et le succès populaire – 1,4 million de produits vendus –, la mascotte devienne intemporelle. Un nouvel avatar de la France sportive, présente à chaque match de foot/basket/rugby pendant des années. Ce rêve est partagé par le président du groupe Doudou et Compagnie, Alain Joly, qui a annoncé mercredi son intention de poursuivre la production de la mascotte au-delà des JO.

Pourtant, il va falloir s’y faire : les Phryges devraient disparaître de nos vies, probablement aussi vite qu’elles sont apparues. Sandrine Doppler, consultante en marketing, n’hésite pas à briser notre petit cœur : « Elles seront en déstockage dans quelques semaines », prédit-elle. Et pour cause : « Vous vous souvenez d’une seule mascotte des JO précédents ? » Si l’ours Michka des JO de Moscou 1980 ou Cobi de Barcelone 1992 ont eu leur petit succès estival, aucune n’a tenu plus de quelques mois avant de tomber dans l’oubli le plus total. Le seul contre-exemple qui nous vient à l’esprit ne vient d’ailleurs pas de l’olympisme, mais du ballon rond : Footix, l’égérie de France 98. Le petit coq a survécu jusqu’à nous, mais même pas en bien, puisqu’il permet aujourd’hui de se moquer gentiment des fans d’un jour.
Plaire à tout le monde, n’être retenu de personne

Le rôle d’une mascotte olympique, à la fois spécifique et consensuel, n’aide pas à atteindre l’immortalité, comme l’explique Johanna Volpert, professeure associée en marketing à la Kedge Business School Bordeaux : « Elle doit représenter les valeurs des JO, les valeurs du pays hôte et les valeurs du sport. En gros, elle doit conquérir un public très large, ce qui la rend moins marquée. Elle possède une trop grosse mission pour être réutilisable. »

Autrement dit : la Phryge est lisse. C’est pour ça que tout le monde l’aime, et c’est pour ça que tout le monde l’oubliera. « On a fortement dépolitisé l’objet. Il ne s’appelle pas le ‘sans-culotte” et ne fait aucune mention de la Révolution. Cela la rend peu marquante dans le temps », regrette Pierre-Louis Desprez, spécialiste en imaginaire de marque.

Une trop forte JO dépendance

Avant le début de la compétition, la mascotte suscitait de nombreuses critiques et moqueries. Preuve que « ce n’est pas la Phryge qui porte les JO, mais les JO qui ont porté la Phryge », estime Johanna Volpert. « Sans le succès des Jeux, la Phryge n’aurait pas marché, encore moins fait l’unanimité ». Pendant l’été, la mascotte n’a pas hésité à se mouiller pour conquérir le public. « Au cours des compétitions, il y a eu une grande scénarisation et une liberté laissée aux personnes à l’intérieur. On a vu des Phryges danser, escalader, courir, faire du moonwalk… Ça l’a rendu attachante », soutient l’experte.

Mais avec la fin des Jeux Paralympiques ce dimanche, voilà ce pauvre clito géant cloué au sol. Toujours mignonne, mais moins charmante. D’autant que rien n’est prévu pour la réanimer, achève Sandrine Doppler : « Il n’y a pas de storytelling autour de la Phryge, pas de dessin animé, de BD, de contenu éducatif. A Atlanta en 1996 par exemple, la mascotte avait été intégrée dans les jeux vidéo ou les dessins animés. Là, il n’y a rien pour la transcender. » Preuve en est, une baisse notable des ventes a été identifiée entre les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques. Deux semaines sans Phryges qui se dandinent et sans compétition, et le cœur s’éloigne déjà.
Quelle incarnation post-JO ?

Même chez les influenceurs, le bonnet rouge semble avoir loupé le coche. Pour le moment, personne ne s’en est totalement emparé, relance Pierre-Louis Desprez : « Si Taylor Swift ou Squeezie portaient fièrement la Phryge, ça pourrait la propulser au rang d’objet incontournable. Mais ce n’est pas le cas, loin de là. Sans ce besoin d’imiter les stars, un objet ne dure pas, c’est la loi de l’imitation. ”On ne désire pas avoir la Phryge, on désire ressembler aux personnes qui la portent”. Or, personne d’important ne la porte ».

Adieu les Phryges, c’était un bon moment

Pour finir, malgré tout ses efforts, la Phryge n’a donc jamais réussi à dépasser sa condition de simple mascotte. « Concrètement, une Phryge, ça ne sert à rien. On peut largement vivre sans », s’excuse presque Pierre-Louis Desprez. En mémoire, il ne voit qu’une nouveauté qui a su devenir intemporelle dans les stades : la ola. « Mais c’est gratuit ». Quant à représenter fièrement le côté français, « le coq gaulois le fait déjà très bien, et est plus connu », poursuit Sandrine Doppler, qui finit d’enterrer nos espoirs : « La Phryge n’a rien à offrir de nouveau » et devrait donc s’éteindre. « C’est la loi du marketing. Rien ou presque ne dure dans le temps », achève la consultante. S’aimer, c’est aussi savoir se dire au revoir.

Article publié par Jean-Loup Delmas, 20 minutes, le 08/09/2024,  https://www.20minutes.fr/economie/4108406-20240908-jo-paris-2024-pourquoi-succes-fou-phryge-va-malheureusement-prendre-fin-apres-jeux