Pourquoi le burger est devenu le roi du cobranding : DJ Snake, Michel Sarran, Norbert Taraye, Star Wars…

Quand la narration l’emporte sur le bien manger! Les marques multiplient les partenariats avec des célébrités pour mettre en avant leurs burgers. Aujourd’hui un simple steak entre deux tranches de pain ne suffit plus.

  • En quelques semaines, le chef Norbert Tarayre a lancé deux burgers remarQuables pour Quick, Michel Sarran, chef étoilé, a fait de même pour Burger King avec trois burgers signés de son nom, et DJ Snake a eu son propre menu chez McDonald’s.
  • Des partenariats de plus en plus nécessaires afin d’exister dans le monde ultra-concurrentiel qu’est devenu le burger en France.
  • Si les enseignes de restauration rapide ont perdu le monopole de ce marché juteux, les featuring permettent de maintenir leur attractivité et de prouver leur capacité à surprendre des clients de plus en plus exigeants.

“- On se fait un burger ce midi ?

– Si tu veux, mais alors un BON burger. »

Vous avez déjà forcément vécu ce dialogue, et il est moins anodin que vous pourriez le penser. A lui seul, il exprime la burger-mania française et la tendance actuelle des fast-foods à s’entourer de célébrités pour mettre en avant leurs produits. Il raconte aussi la fin d’une époque, quand la simple perspective d’un steak entre deux tranches de pain suffisait à convaincre.

Car si votre ami insiste sur le « BON » burger, ce n’est pas parce qu’il boude le plat le plus iconique des Etats-Unis, mais juste qu’il est devenu exigeant à force d’être repu. Plus de deux milliards de burgers finissent en effet chaque année dans le gosier des Français, deuxième type de plat le plus vendu derrière les sandwichs, indique Bernard Boutboul, fondateur du cabinet Gira, spécialiste de la restauration. Les ventes ont été multipliées par 14 ces dix dernières années, « une croissance qui n’a aucun égal dans le secteur alimentaire ».

Mange avec les stars

« Actuellement, le client trouve des burgers à tous les coins de rue », poursuit Frédéric Levacher, directeur général de Quick. Une concurrence que n’ont pas les autres produits de fast-food. Vous trouverez rarement sur la carte d’un restaurant un tacos, un kebab ou un tender de poulet. Alors pour les vendeurs de burgers, pas question d’attendre les bras croisés – ni de rester seuls. Sur ce seul été 2023, McDonald’s collabore avec DJ Snake pour lancer un menu spécial, Burger King avec le chef étoilé Michel Sarran, et Quick avec le chef Norbert Tarayre.

Premier avantage de ces collabs : répondre à une premiumisation. C’est que les fast-foods ne se font plus seulement la guerre entre eux, mais doivent désormais composer avec une concurrence élargie. En 2008, Mcdonald’s et Quick possédaient 95 % du marché du burger français. Désormais, les fast-food ne pèsent « que » 70 % du secteur. « 80 % des 145.000 restaurants avec service à table, hors fast-food, possèdent au moins un burger à la carte », énumère Bernard Boutboul. Donc « le consommateur fait un ”nettoyage” du produit en demandant toujours plus de qualité »

Le fast-food à la recherche du haut de gamme

Il faut donc monter en gamme, et pour ça, rien de mieux que se servir directement dans la restauration. Chez Burger King, jusqu’à fin juillet, Michel Sarran propose une gamme de burger masters – censé être plus travaillés, avec de meilleurs ingrédients et donc plus chers. Comptez plus de 13 euros le menu frites – boisson avec un Master, contre 8 à 9 pour un menu classique chez « BK ». Il en va de même chez Quick, où Norbert Tarayre avait lancé de mi-mai à mi-juin sa gamme de remarQuables, deux burgers à 12,95 euros le menu contre 8-9 euros en règle générale. Une collab’ deux euros plus cher encore que les menus Suprêmes, des burgers déjà présentés comme plus luxueux.

McDonald’s, lui, fut le premier en France à jouer la carte du fast-food de « luxe », avec la gamme Signature lancé en 2017. Des menus avec des burgers spéciaux entre 14 et 17 euros, cinq de plus que les menus classiques. « C’est le premier pays où ils ont lancé une telle gamme », note Bernard Boutboul.

Avoir un public d’habitués, pas de gens lassés

Mais la collaboration ne sert pas qu’à rehausser la gamme. DJ Snake est plus doué aux  platines qu’en cuisine, et de nombreuses autres collaborations – Eric & Ramzy en début d’année, Cauet en 2022, pour parler de Quick – sortent également totalement du domaine culinaire. « Ce qu’il faut absolument, c’est créer l’événement et innover », indique Frédéric Levacher. Pour la seule année 2023, Quick compte présenter huit innovations – huit nouveaux produits ou recettes -, dans le but de ne jamais lasser le client.

« Il faut toujours qu’il y ait quelque chose de surprenant », poursuit le directeur général. Ces innovations sont souvent éphémères ou à durée limitée – les Suprême de Norbert ne sont déjà plus disponibles par exemple -, afin de donner une échéance et donc une pression aux consommateurs. Et pour mettre en avant ces nouveautés, rien de tel qu’un featuring avec des stars, dont le burger profitera de la notoriété.

La narration plus que la nutrition

De la notoriété… et de l’aura. Le double-cheese du McDo a un peu plus de gueule maintenant qu’il est associé à DJ Snake. Pas étonnant non plus que les chefs sélectionnés par les grandes marques soient tous les deux des vedettes de l’émission de télévision Top Chef – Michel Sarran en tant que jury, Norbert Tarayre comme candidat vedette en raison de sa gouaille.

Car au bout d’un moment, le premium touche ses limites, avertit Pierre-Louis Desprez, directeur général de Kaos, cabinet spécialisé en innovation et en marques : « Le burger restera toujours gras et calorique dans son ensemble. L’associer à des stars permet de l’anoblir d’une autre manière que de façon purement alimentaire, où les frontières sont visibles. Cela permet de raconter des histoires, indépendamment des valeurs nutritionnelles. » Même constat pour Bernard Boutboul :  « Ces featurings permettent surtout de valoriser la clientèle qui va au fast-food, plus que de surclasser les burgers en très haut de gamme. »

Des collaborations humaines ou non

« Le fait d’avoir une collaboration rajoute à l’événementiel, reconnaît Frédéric Levacher. Le consommateur va se dire ”Tiens, il y a le burger de Norbert, je vais aller chez Quick”. » Donner envie de venir non par habitude, mais par plaisir de la découverte et de retrouver la personnalité d’une célébrité connue – notez comme celles choisies correspondent à la cible jeune et cool que visent les fast-foods en priorité.

Et même sans incarnation humaine, les collaborations continuent. Après le candidat de Top Chef, Quick lance cette semaine les burgers Stormtroopers, les soldats iconiques de Star Wars, jusqu’au 16 août. Un burger au pain tout blanc, un burger au pain noir, et surtout « tout l’univers de Star Wars pour porter le burger ». Soit la recette du succès : un featuring, une histoire à raconter, une idée originale avec la couleur des pains. Suffisant pour convaincre votre ami ce midi ?”

Article publié dans 20 Minutes, Jean-Loup Delmas, 09/07/2023, https://www.20minutes.fr/economie/consommation/4044156-20230709-fast-food-dj-snake-michel-sarran-norbert-taraye-burger-roi-collaborations