Leclerc : la marque Astérix au pays des hypermarchés standardisés

Plus malin, plus rapide, plus coopératif, moins bruyant que les mastodontes de la distribution : c’est par son tempérament de commerçant qu’Edouard Leclerc a construit le leadership de son enseigne sur le territoire français.

 

Edouard Leclerc a imprimé à son enseigne et à ses adhérents (les patrons de magasin indépendants) son temperament de Gaulois, qui ne se sent chez lui qu’en France, et nulle part ailleurs : Plus mon petit Landerneau que le mont palatin… Moins de folie des grandeurs que Walmart, moins de fringale entrepreneuriale que la famille Mulliez, moins d’affirmation de puissance que Casino, moins de rouleau compresseur que les frères Albrecht, inventeurs du modèle Aldi en Allemagne, pas de volonté de se pousser du col comme  Carrefour : rarement un fondateur aura autant marqué sur le long terme la politique combative de son enseigne et aura autant incarné un certain esprit français, à l’opposé du luxe et du “French style”, mais agile, résistant, pas intello, pas tendre non plus, toujours en pétard contre les nantis et Paris. Le made in France de LECLERC c’est celui d’Audiard (“je préfère un con qui marche qu’un intellectuel assis”), fait d’intelligence pratique, ou celui de Paul Ricard, autre grand résistant local qui a donné à Marseille une place de choix face au whisky et à la capitale. Son combat n’a pas été pacifique : il a “shunté” les intermédiaires, s’est battu pour le pouvoir d’achat des consommateurs en interpellant les Pouvoirs Publics à chaque occasion et en attaquant les fromages comme il le pouvait. Au passage, la marque-enseigne Leclerc a construit la plus belle image-prix devant celle de tous ses concurrents : toujours perçue comme la moins chère face à un Carrefour, par exemple, qui n’est jamais parvenu à compenser son image d’enseigne chère… Qu’on ne s’y trompe pas, les négos entre fournisseurs et adhérents  sont reputées terribles. Sauf qu’un patron de magasin-négociateur a pour lui une légitimité, celle de voir tous les jours la “vraie” France, celle d’”en-bas”, et peut ainsi justifier son âpreté au gain. Pas besoin de séminaire sur le consomm’acteur, le conso-battant ni de francoscopie, la sociologie se trouve dans un caddie.

Astérix défiant les Césars de Bercy, c’est devenu trop rare, mais dans la tradition du commerçant pragmatique et concret qui symbolise un “râling” actif et entreprenant, jamais passif. Le fondateur et la marque-enseigne incarnent ce que le modèle français est régulièrement capable d’imaginer face aux constructions financières et marketing à l’anglo-saxonne. Le même message depuis 50 ans (prix bas), un challenge des chasses réservées, une communication grand public à contenu politique, un terrain fort et une centralité minimale, une implication des adhérents dans la gestion nationale : la marque LECLERC est une marque d’épiciers qui s’enrichissent par l’effort et qui ont trouvé une vague porteuse, laquelle ne semble pas prête de faiblir : la défense du porte-monnaie. La marque façon Astérix a d’ailleurs commencé à inspirer les majors mondiaux comme P&G qui envisage de sortir des produits en petite dose pour baisser le prix facial….